À ses tableaux, Eva Evrard donne une puissance polysémique forte qui exige un véritable temps de regard. Ils convoquent celui-ci en maintenant une équivoque quant à leur nature, qui va inviter sponta- nément le regardeur à s’interroger sur ce qu’il voit et... à y voir de plus près. Ils tiennent à la fois du tableau dans le sens artistique conventionnel du terme, et du tableau administratif ou de la planche scientifique qui a vocation à exposer des classifications méthodiques à des fins de diffu- sion et de partage d’informations, dans toutes les sphères pertinentes. Les tableaux de l’artiste présentent dans leur ensemble les résultats organisés d’une action antérieure, distribués sur le plan dans la forme qu’elle aura jugé pertinente pour le propos. L’un de ces tableaux, de configuration à première vue très minimale, consiste en 26 colonnes de petites bandelettes de papier dont l’inscription à l’encre verte est illisible en tant qu’écriture. L’on y distingue néanmoins un schéma de traits répétitifs à l’inclinaison irrégulière. L’impression des signes, de densité inégale, donne un rythme à l’ensemble. L’aspect manuel du placement des bandelettes « humanise » déjà ce qui se révèle être, après une lecture minutieuse, un report d’empreintes génétiques. Chaque bandelette est donc le portrait exclusif d’un individu. La jeune artiste redonne par cette œuvre à la fois modeste et transcendantale, une identité unique à chacun, dans un monde de l’uniformisation de masse et de l’anonymat. Elle rappelle l’unicité inaliénable de l’être humain.
Ann Hindry
Critique d'art
Evrard gives her tableaux a strong polysemous power that demands substantial time from the gaze, which they also challenge by maintaining an uncertainty about their nature, which will spontaneously prompt the viewer to wonder about what she is seeing and to look more closely. They have something both of the tableau in the conventional artistic sense of the term, but also in the administrative one, the tableau as administrative table or scientific plate, designed to present method- ological classifications with a view to disseminating knowledge and information in relevant spheres. Generally, the artist’s tableaux present the organized results of an earlier action, distributed on the plane in the form she judged appropriate for the subject. One of these tableaux, the configuration of which at first sight seems very minimal, consists of twenty-six columns of small strips of paper bearing an inscription in green ink that is illegible as writing. Nevertheless, we can make out a pattern of repeated strokes at irregular angles. The printing of the signs, the density of which is uneven, imparts a rhythm to the whole. The man- ual aspect of the bands already “humanizes” what, after careful study, turns out to be the transfer of genetic fingerprints. Each strip is thus the exclusive portrait of an individual. With this modest yet transcendental work the young artist restores each person’s unique identity in a world of mass uniformization and anonymity. She reminds us of the inalienable uniqueness of the human being.
Ann Hindry
Art critic
EMPREINTES DIGITALES
Chaque bandelette est le portrait exclusif d’un individu.
Collage, empreintes digitales. 50 × 70 cm. Encadrement Ad Hoc, Bruxelles. 2013
Each strip is the exclusive portrait of an individual.
Collage, fingerprints. 19.7 x 27.5 in. Framing by Ad Hoc, Brussels. 2013