FR
La Bouche est l’objet ambivalent exemplaire qui se prêtera à nombre de déclinaisons et d’installations in situ. Céramique conique moulée, de couleur claire proche du blanc-rosé de la chair, elle évoque aussi bien une sorte de corolle florale ouverte sans tige ni racine, qu’un petit porte-voix. L’extrémité béante se perçoit facilement comme un cri, « cri muet » d’effroi, de protestation ou de révolte, le cri inaudible des innombrables sans voix, mais en quoi l’artiste voit aussi une incarnation du sexe féminin, vulnérable à tous les outrages. Elle déclinera alors l’objet en nombre comme autant de revendications béantes et muettes, dans différentes installations tel cet étroit couloir dont les parois truffées de Bouches vont assaillir le visiteur invité à le parcourir. Les Bouches seront aussi dispersées, fichées en terre parmi la verdure sauvage ou urbaine, comme autant de fleurs juste écloses ou juste échouées là, portées par le vent ou abandonnées, déjà un peu couchées, enfouies... Elles feront aussi l’objet d’une construction sculpturale sur socle où, tenues verticales en rang serré, béantes, elles évoqueront une armée de suppliants invoquant quelque puissance céleste.
Ann Hindry
Critique d'art
EN
the Bouche (Mouth) is the exemplary ambivalent object that lends itself to a number of var- iations and installations in situ. A moulded conical form in ceramic, its light colour close to the pink-white of flesh, it evokes both a kind of open floral corolla with no stem or roots and a small loudhailer. The gaping extremity can easily be read as a cry, “a mute cry” of dread, of protest or revolt, the inaudible cry of the numberless masses who are without a voice, but in which the artist also sees an embodiment of the female sex, vulnerable to all kinds of affronts. She has produced numerous variations on this object like so many gaping, silent cries of protest. One installation consists of a narrow corridor whose sides, thick with Bouches assail the visitor as she is invited to walk through them. The Bouches are scattered, stuck in the ground amidst wild or urban greenery, like so many flowers that have just opened or just landed there, carried by the wind, already a bit flattened, buried ... They have also been made into sculptural constructions set on bases where, held vertically in a tight row, gaping, they evoke an army of supplicants invoking some heavenly power.
Ann Hindry
Art critic